La poesie
"Un poème doit signifier quelque chose, et en même temps rien - le rien qui vient d'en haut."
(Simone Weil)
La poésie est un don. C'est la raréfaction cristallisée et décantée du penser-parole.
"Qui marche ?
Toi en moi... moi en toi ?" ... "Le coeur avant le coeur."
Celle de Gesine Arps s'élève aussi dans l'image scripturale, multipliant la réalité et la réfraction de l'imaginaire par le signe qu'elle trace et grave elle-même sur le papier, sur la toile ou sur la peau vivante de la sculpture. C'est aussi le signe lui-même qui contribue à son identification.
La calligraphie est comme une connaissance multiple et prospective qui nous rapproche des disparitions de sa peinture. Il les anticipe et les corrobore.
Ce sont des poèmes qui sont conservés inaltérés dans des hyperespaces mentaux, puis descendent dans le temps présent et s'archivent dans différents paysages.
Car les poèmes de Gesine Arps sont de vastes champs d'errance qui parlent de visions émotionnelles de l'invisible et déclinent leur existence.
Ce sont des "offres" d'une autre dimension multiple. Elles sont les filles et les mères du reflet révélateur de son monde de rêve. Ils nous parlent de notre insatisfaction et de la poétique de l'existence. Ils embrassent le monde comme du fond d'un miroir pour nous redonner le goût de l'ineffable.
Car la parole poétique puise dans cet être profondément dans l'émerveillement de l'art de vivre, dans le caractère sacré de la beauté.
Ainsi, tout s'éveille et résonne pour compléter un sentiment qui est le "sentiment rural".
Freud a écrit que "chaque enfant intégré dans le jeu se comporte comme un poète : en ce qu'il construit son propre monde ou, mieux, il donne à son plaisir un nouvel ordre aux choses de son monde". Quant à l'enfant, le poète crée alors son propre univers privé. Et lorsque le poète coïncide avec l'artiste comme dans le cas de Gésine, le jeu devient "rond" et se met en corrélation avec l'ensemble, créant une joyeuse unité multiple polymorphe qui guérit chaque blessure.
"En dessous vit la peur
Et mange les blessures
Brûlures de chaux
Corrode
Consomme
Dévorant [...]".
C'est le mot qui transfigure chaque suggestion et tout en un pur acte créatif. Dans la trace et le signe de son existence, il prend corps, couleur et image. Il transforme, pour ainsi dire, le fantastique en réalité et le réel en oscillation fantastique. Regarder et entendre boire et vivre à nouveau dans l'intensité de l'exercice sonore. Ainsi, tout investissement affectif se transforme en plaisir.
Gesine Arps, c'est beaucoup d'âmes résumées en un seul nom. Elle a le don de pouvoir les communiquer aux hommes en tant que créatrice de nouveaux mondes, en expérimentant chaque frange apparemment au-dessus du magique et du fantastique ; en patrouillant chaque excès créatif inimaginable ; en franchissant généreusement les limites de la réalité pour revenir avec des ostensions de dons.
Parce que la poésie est un souffle pur soustrait à l'invisibilité de la pensée. C'est un pont métamorphique et une vision de l'imagination, de l'intimité, de la communion.
C'est un fantastique seuil d'émotion.
C'est la foudre, l'éclair, la trajectoire de la brûlure...
C'est une image transformatrice et libre, dans l'espoir.
C'est un paysage intérieur sublimé.
Il s'agit d'une rébellion distillée avec dévotion.
La parole et la poésie dans Gesine Arps précèdent, accompagnent et dépassent son art tout court. Ils l'anticipent dans une sensibilité de vision fulgurante, créant des signes de beauté, voire des graphiques, où s'enflamment de nouvelles émotions de sentiment.
"Tu m'embrasses à la lumière des profondeurs
Tu me fais descendre en dansant
dans le tourbillon [...]"
Tout devient modulation de timbre, couleur de mot où l'espace poétique est mémoire".
La poésie est une question et une réponse, une diastole et une systole entre la découverte et l'émerveillement. C'est la mémoire qu'elle apaise car la poésie "cimente les larmes" pour faire des perles qui "ornent maintenant
soigneusement enfilées
mon cou blanc".
Pas de clivage, pas de fracture, pas d'opposition, pas de frontière : juste un seul flux harmonique.
Les poèmes de Gesine Arps visent toujours haut, ils visent le ciel. Comme un jeu qui est toujours au-dessus des choses. Ils sont la peinture, autrement dit, ils se perdent dans la sculpture et la renforcent. Ils sont issus de la vie quotidienne mais bouleversent les données réelles. Ils illuminent l'œil et l'âme pour nous ramener à la perturbation de l'agitation.
Parce que dans chaque corde expressive de notre artiste nordique et méditerranéen, on peut sentir la beauté, l'enjouement et la bonté. Un bien qui s'offre de l'espoir au-delà du seuil du visible. Parce que c'est un "extérieur" qui nous appartient dans la possibilité d'embrasser et d'entrelacer les potentiels.
La poésie est donc pour elle une autre corde admirable qui se dénoue dans la raréfaction et la distillation de la pensée. Préparons-nous donc à son écoute - physique et mentale - car Gesine Arps est une artiste multidirectionnelle et alchimique, chamane naturaliste magique et vigilante :
"Les Shamanes voient le monde comme corps spirituel et créature
et conçoivent la vie uniquement en étroite corrélation avec la nature" (Gesine Arps).
Marisa Zattini,
d'après Voyages vers la lumière, I, 258-262.
MADRE
Mère
berce moi dans ton souffle
dans le plus profond de toi
du plus profond de toi
ton monde vivant me nourrissait
le mien n'existait pas encore
souvenirs des temps passés
dorés argentés
différents
en moi un souffle profond
a travers moi un souffle profond
a travers moi parle ton âme$je suis ton récipient
ta patrie
ton souffle en moi
ton souffle me traverse
A ma mère Helga, Gesine Arps
LUCCICANO OCCHI SULLE STRADE
Des yeux brillant sur les routes
ils sortent des fissures
entre une pierre et l'autre
entre une pitié
entre un temps et l'autre
j'entre
tunnel
fils de lumière infinis
simple
l'on voyage en première
toutes les directions
maintenant libre en vol
des Leix où sont des maisons
dans tous
temps temples contemporain gleichzeitig
avec tous les chers sur le char
du passé et du futur
là sont à nu pensées et paroles
silence
le corps foudroyé
souvenir hors du corps
je suis maison
nostalgie nostalgies
simple
mille bras qui tiennent une maison pleine d'or
clair parfum de lune
le matins sur les moments
clarté
cette nuit est le matin.
Gesine Arps